Brèves diverses

Brèves diverses...et petites reflexions

Petit bilan de l'année 2021

Janvier 2022, Lyon


Elle fut, pour la Cie, très dense et très riche avec 76 représentations, dont 44 décentralisées dans des établissements scolaires et plus de 200 heures d’éducation artistique.

Les jauges étaient souvent réduites dans les lycées mais nous avons pallié ces contraintes en multipliant les représentations et en jouant parfois devant une seule classe à la fois. Conditions extrêmement privilégiées pour les élèves… et pour nous ! Et rendues possibles, sur un plan économique, par le fond de solidarité qui venait combler, presque chaque mois, la perte de notre chiffre d’affaires.


Et oui, il était là le paradoxe : nous n’avons jamais été autant soutenus que pendant cette année 2021 ! Et nous avons mis un point d’honneur à ce que l’argent de ce fond de solidarité serve exclusivement à maintenir cette activité (et les salaires qui vont avec) et profite ainsi, indirectement, à quelques 3 500 lycéens et collégiens !


Aujourd’hui, les aides ont cessé, l’activité a repris et nous alternons nos représentations entre les théâtres et les établissements scolaires. Même si personne ne nous le demande, nous voulons continuer à faire les deux : jouer les mêmes spectacles aussi bien dans des théâtres que dans des collèges et des lycées ! Quelques théâtres nous soutiennent dans cette démarche (merci à eux) mais toujours rien au niveau des tutelles : nous ne rentrons pas dans les cases de la DRAC, pour la Région ce ne sont pas de «vraies» représentations et la Ville de Lyon, elle, ne répond toujours pas à nos demandes de rendez-vous (nous espérions secrètement que la politique annoncée d’enlever aux « gros » pour donner un peu plus aux « petits» nous concernerait : point du tout, nous stagnons depuis 3 ans à 3000 euros de subvention annuelle et notre demande d’équipement, pour ces représentations décentralisées, a été, une énième fois refusée…). Mais nous ne les attendons pas pour faire et nous avons investi pas loin de 20 000 euros en 3 ans sur nos fonds propres : remorque, éclairages led, sonorisation…


Ces représentations en milieu scolaire sont presque toujours déficitaires. Il nous reste donc les dons et le mécénat pour maintenir et poursuivre ce que nous considérons comme notre «petite mission de service public».

Ces dons sont très précieux et servent exclusivement à cette activité de décentralisation. C’est-à-dire, concrètement, amener, avec notre remorque, Molière, Tchekhov, Lagarce et Gwendoline Soublin dans les collèges et les lycées de la Région et bientôt, nous l’espérons, dans des petites salles des fêtes en milieu rural.



Etre ou ne pas être à l’E.N.S.A.T.T.

Décembre 2019, Lyon


4 représentations de PIG BOY 1986-2358  et 3 représentations de On dit que Josepha en 3 jours.

Soit 7 représentations au sein d’une école nationale de théâtre à Lyon.

7 représentations d’une autrice, Gwendoline Soublin, issue du département écriture dramaturgique de cette même école.

Et c’est aussi ici que notre costumier, notre scénographe, notre éclairagiste et deux des acteurs de la troupe ont été formés.

Déjà plus de 500 lycéens de la Région ont franchi la porte de cette belle salle Laurent Terzieff…

…et pour le moment, je crois que les étudiants de l’ENSATT qui ont eu la curiosité de venir découvrir notre travail peuvent se compter sur le doigt d’une main....

Il faut dire que nous ne sommes même pas annoncés sur leur site...

Cherchez l’erreur…



Une parenthèse enchantée

Septembre 2017, Villeurbanne


A l’occasion de la reprise d’Hamlet 60, avec des étudiants de la section théâtres-étude de l’INSA, on m’a fait parvenir ce courriel. La date et l’horaire de l’envoi nous indiquent : le vendredi 22 septembre à 00 :05 : 36. Soit un peu après minuit...


« J'ai assisté à la reprise d'Hamlet ce soir à la Rotonde.
J'y suis allée chargée du poids d'une grande fatigue et des préoccupations d'une rentrée encore bien difficile. J'ai (ou plutôt ma fille ainée et moi-même) avons passé une soirée remarquable. Une parenthèse enchantée. Portée par la présence, la prestance, le jeu et l'énergie des artistes, par une mise en scène à couper le souffle, j'ai vécu (je crois même pouvoir dire sans trahir Bérénice, ma fille donc, que nous avons vécu) une parenthèse enchantée.
Et me voici, à bientôt minuit, pleine d'une énergie retrouvée qui augure soit une nuit très courte, soit une nuit apaisée.

Je n'avais malheureusement pas pu jusqu'à présent me libérer pour assister à une représentation, mais ma fille cadette étant désormais autonome, nous comptons bien renouveler l'expérience.»


Vous imaginez, évidemment, le plaisir de recevoir un tel message. Qu’un spectacle puisse provoquer une « parenthèse enchantée » est toujours une récompense inespérée. Et qu’il suscite, en plus, le désir de revenir au théâtre (avec sa fille qui plus est !) est, pour moi, le plus beau des retours.


Et puis, il y a ce détail qui me réjouit aussi. Ce courriel a été envoyé à minuit cinq et pourtant son autrice nous dit : « …et me voici, à bientôt minuit,… »


Avant ou après minuit ?


Et là, je repense à la pièce qui démarre par cette scène, entre deux gardes, sur les remparts d’Elseneur (traduction Markowicz) :


Bernardo : Qui est là ?

Francisco : Vous, répondez ! Halte, et révélez-vous.

Bernardo : Vive le Roi !

Francisco :                Toi, Bernardo ?

Bernardo :                                        Lui même.

Francisco : Tu es précis, tu viens juste à ton heure.

Bernardo : Minuit passé… Va dormir, Francisco.


Et ici aussi, on peut se poser la question : avant ou après minuit ? Car si minuit est passé, Bernardo est en retard. Or Francisco lui dit : « tu es précis, tu viens juste à ton heure »


Et ce « Qui est là ? », qui ouvre la pièce, nous place lui aussi dans un temps étrange, puisque qu’il est adressé à quelqu’un qui est là (le garde) par quelqu’un qui n’est pas encore là (la relève)…Autrement dit, celui qui n’est pas encore là dit à celui qui est là : qui est là !

Et quand Francisco lui rétorque : « Vous répondez ! » c'est une manière de lui dire "vous, répondez à la question que je ne vous ai pas posée mais que j’aurais dû vous poser ! Car c’était à moi,  au garde et non à la relève, de le dire ce " Qui est la ?" !

Un temps incertain donc,  où l’on ne se re-connaît pas, où l’on ne sait pas qui est l’autre.

Mais n’oublions pas que la nuit dernière, à la même heure morte, ces deux là ont vu une créature, une ombre toute semblable à celle d’Hamlet père. Et c’est peut-être précisément parce qu’ils ont cru re-connaître cette créature en se voyant l’un l’autre, de loin, qu’ils ont été pris de peur et de panique…

Et là, j’ai vraiment la sensation que Shakespeare invente la physique quantique avant l’heure !

Et dire que cette première scène d’Hamlet est si souvent coupée…


Merci encore, chère Madame, pour votre message écrit avant et après minuit.


Douce utopie quand le théâtre réunit aujourd’hui autant de «diversité » dans un même espace à ciel ouvert au cœur de la ville et parvient ainsi à rompre avec cet « entre-soi » mortifère.


Douce utopie quand des enfants participent au chœur avec nous sans qu’à aucun moment nous n’ayons été en demande, comme une envie de jouer ensemble.


Douce utopie que de voir le théâtre cohabiter aussi simplement et sereinement avec la vie d’un quartier.


Moment fraternel quand Enzo, 8 ans, présent dès le premier jour des répétitions, nous retrouve le matin, serrant la main à chaque membre de la troupe et le soir, nous demandant si nous serons encore là le lendemain…


Stupéfaction de Johnny, 10 ans, quand je lui dis que demain, on va refaire la même chose, dire le même texte avec la même troupe…que notre travail consiste précisément en cela : refaire la même chose en espérant que cela soit radicalement différent…


Et ce moment de grâce pendant une représentation quand un enfant de 2 ans saisit au vol quelques mots proférés : ciel, oiseaux… pour les répéter victorieux à son père car soudain, pour lui, ils faisaient sens au milieu d’une cérémonie bien mystérieuse jusque là…


Et puis repartir chaque soir sans rien laisser, juste une banderole accrochée à un grillage pour dire qui nous sommes et ce que nous faisons :

« Ici / quartier Janin /Œdipe de Sophocle par la troupe du Théâtre du Point du Jour, les 8, 9, 10 juillet à 20h / Gratuit / Venez nombreux ».



Share by: