Nos brèves autour de "Barbara"
1969
Le 18 décembre 24 à Lyon / Théâtre des Marronniers
Dans notre voyage musical dans la vie et l’œuvre de Barbara, nous faisons une halte à l’Olympia en 1969. La chanteuse de minuit y chante du 4 au 18 février. Chaque soir, les rappels durent, durent longtemps : c’est la consécration. Mais à la dernière, à la stupéfaction générale, du public et de ses musiciens, elle annonce qu’elle abandonne les tours de chant pour quitter : « le fonctionnariat de la chanson » !
Comme Brel, trois ans plus tôt, sur cette même scène, elle déclare arrêter pour fuir le radotage et nous nous amusons, avec Rafaèle, à recréer, sur le plateau, le moment de cet incroyable coup de théâtre.
Et hier soir, une femme est venue nous voir, à l’issue du spectacle, pour nous dire qu’elle était présente à l’Olympia, ce 18 février 1969, soir de la dernière. Elle avait 20 ans, et se souvenait précisément de ce moment qui avait provoqué chez elle une incompréhension totale.
Et elle nous affirma que notre représentation lui avait permis de comprendre enfin cette décision de Barbara. 55 ans après, elle est passée de la réalité à la fiction. Ou plutôt, notre fiction lui a permis de reconsidérer une réalité, vieille de 55 ans !
Vive le théâtre !
Seule
Le 19 décembre 24 à Lyon / Théâtre des Marronniers
Hier, nous nous préparions à 17h sur le petit plateau du théâtre des marronniers pour la rencontre « amoureuse » du soir avec le public quand quelqu’un a frappé délicatement contre la porte donnant sur la cour…
Une petite dame, assez âgée, a pointé son nez en disant :
« Barbara , c’est bien ici…? »
Elle voulait une place pour le soir même, car nous dit-elle : « je m’en suis gavée de Barbara, gavée.. »
Mais de places, il n’y en avait plus et finalement ça ne semblait pas si grave car elle ne savait pas bien quelle date on était…elle nous l’a demandé 4 fois en 10 minutes.
Puis elle s’est promenée au milieu du décor, un peu perdue, admirant les costumes, la brillance, les vinyles de Barbara qu’elle a regardés et commentés un à un…Comme un voyage dans sa propre vie. Elle s’est arrêtée un instant sur l’album, « Seule », qu’elle ne connaissait pas :
« Ah bon ? Mais pourquoi était-elle seule à ce moment-là?…»
Une solitude qui sans doute venait résonner avec la sienne.
Et puis elle nous a proposé de nous donner les siens, de vinyles, qu’elle n’utilise plus et qu’elle voulait apporter aux sans-abris…
Gentille proposition, que nous avons acceptée avec grand plaisir !
Nous lui avons donné rendez-vous au petit théâtre 2000 de St Genis-Laval au mois de mai, pour qu’elle voit le spectacle, ses disques sous le bras !
En partant, elle s’est arrêtée et a marqué un temps….
« Mais pourquoi serait-ce mieux de vous les donner à vous, plutôt qu’aux sans-abris? »
Que lui répondre ?
Nous avons souri, elle a ouvert la porte donnant sur la cour, il pleuvait, elle a posé un pied dehors et s’est mise à chanter : « Il pleut sur Nantes… » de sa petite voix fluette.
Cette mémoire-là, on le sait, ne disparaît jamais, même quand tout le reste s’est effacé.
À la fin de sa vie, ma grand-mère qui ne reconnaissait plus rien ni personne, se mettait à chanter, à la moindre évocation d’un mot, d’une sonorité….
Alors aujourd’hui, nous avons envie de dire, à la place de notre rituel « vive le théâtre » : vive la chanson et les traces indélébiles qu’elle laisse en chacun de nous !
Monique
Le 20 décembre 2024 / Théâtre des Marronniers
Une spectatrice, très émue nous confie après la représentation :
"Je connaissais Barbara, j'ai découvert Monique. Merci."
C'était bien là notre projet : relier la vie et l'oeuvre, Monique et Barbara, dans un grand voyage !

D’un jardin à St Genis-Laval, en passant par deux cyclistes pour arriver à Préaux et à Barbara.
Mai 2025
Il y a quelques jours, je reçois un appel d’une dame tenant un gite, près de Préaux, dans l’Indre. La veille, deux cyclistes ont fait étape chez elle et lui ont parlé, avec beaucoup d’enthousiasme, d’un spectacle sur Barbara qu’ils venaient de voir dans un théâtre à St Genis Laval, situé dans le jardin de la famille Tessier !
Elle m’annonce qu’elle fait des recherches sur la présence de Barbara à Préaux en 1940 et me demande si nous abordons cet épisode dans notre spectacle. Je lui dis que oui : nous mentionnons le train bombardé, le refuge à Préaux et la participation de Barbara, ou plutôt de Monique, à la Chorale du village. Elle me répond :
- Absolument, avec l’institutrice, Madame Longuet !
Cette conversation me réjouit mais très vite j’apprends qu’il y a, à l’échelle de la région, une controverse sur sa présence dans ce village en 1940, principalement concernant la durée de son séjour. Et certains en auraient même voulu à Barbara de ne pas être revenue par la suite et d’avoir très peu parlé de cet épisode de sa vie…
La conversation devient passionnante, mon interlocutrice défend la mémoire de la chanteuse et avance l’hypothèse suivante. Si Barbara s’est montrée si discrète c’est peut-être parce que ces quelques mois à Préaux se situent entre deux traumatismes : le train bombardé par les Allemands où la petite fille échappe de justesse à la mort et l’inceste du père qui débutera bientôt à Tarbes…Quelques mois, de vie et de chansons à Préaux, pendant la guerre, enfoui dans la mémoire d’une enfant entre deux blessures indélébiles…
Nous avons longuement échangé et même évoqué la possibilité de venir jouer du côté de Préaux, avec notre remorque, à l’occasion du dévoilement d’une plaque commémorative sur la présence de Monique Serf dans ce village !
Il ne faut pas oublier de remercier nos deux cyclistes anonymes, ambassadeurs de notre spectacle dans l’Indre, sans lesquels cette conversation et cette rencontre n’auraient jamais eu lieu !

Brève d’Avignon : 1er jour dans la cité des Papes sous une chaleur suffocante.
Juin 2025
Ça commence au parking souterrain Jean Jaurès. Je passe à l’accueil pour demander des renseignements sur les abonnements. Derrière sa banque, un homme m’accueille et très vite nous avons la même impression : nous nous sommes déjà rencontrés. Nous cherchons, et au bout de quelques minutes il s’exclame : ça y est, j’ai trouvé ! Il y a 5 ans, en 2019, vous avez pris un abonnement ici, nous avons parlé de théâtre et j’étais venu voir votre spectacle sur Tchekhov avec ma femme, au Petit Louvre ! Nous avons beaucoup aimé !
Je me souviens maintenant de lui et de cette rencontre insolite, il y a plusieurs années…En confiance, je lui parle alors de notre nouveau voyage dans la vie et l’œuvre de Barbara. Il m’avoue qu’il n’est pas un grand fan de la chanteuse mais il me promet de revenir cette année, avec son épouse !
Un peu plus tard, je repère une jolie place pour une affiche dans la vitrine de la grande pharmacie des Halles. Stratégiquement, j’entre pour acheter quelque chose… Vite, vite il faut se décider : de l’acérola, on en aura besoin ! Je pose quelques questions sur la quantité de vitamine C dans ce fruit et sur son assimilation par le corps. La pharmacienne est heureuse de m’apprendre que sous sa forme naturelle, je peux en croquer le soir avant de jouer, et que cela ne m’empêchera pas de dormir ! Parfait ! Je retarde encore le moment de lui parler de mon affiche en lui demandant si elle aime Barbara. Et là, elle me répond promptement que non, pas du tout, qu’elle la trouve trop triste, toujours en noir ! Du tac au tac, je lui rétorque : mais ce n’est pas un noir de pleureuse, c’est une couleur de lumière ! Ce n’était pas de moi, bien sûr, mais de la dame en noir elle-même…et nous échangeons ensuite joyeusement pendant au moins 10 minutes. La sentant de plus en plus curieuse je finis par lui remettre un tract, je l’invite à la générale et j’ose enfin lui demander si je peux mettre mon affiche qui finit par trouver l’emplacement qui lui était destiné !
En fin de journée, je passe devant l’office du tourisme et je vois un grande jeune fille en sortir avec, sous le bras, la bible ! La bible d’Avignon bien-sûr, c’est-à-dire le catalogue avec les 1 700 propositions de cette édition. Pensant à une future festivalière, je l’aborde, souriant, en lui demandant si elle aime Barbara. Et là, stupéfaite, elle lâche : « vous vous foutez de ma gueule ! »
Silence de ma part…
Elle : « mais je joue Barbara !! »
Aussi inimaginable que cela puisse être, la première personne inconnue que j’aborde dans la rue incarne la figure de Barbara dans un spectacle musical : Le Piaf noir ! Ou la rencontre entre Piaf et Barbara dans un Cabaret : La Fontaine des 4 saisons ! Nous échangeons longuement sur nos propositions respectives, et nous promettons de venir nous voir mutuellement bientôt.
Trois belles rencontres de hasard pour ouvrir joyeusement notre retour à Avignon.
